Qui doit porter la Qualité de Vie au Travail ? Pas seulement le boss !
Le19 Mar 2019
Série Esprit Critique : 10 façons de voir le travail autrement proposées par 10 collaborateurs. Massimo Genuardi, consultant chez HandiexpeRh, nous parle du destin détourné de la Qualité de Vie au Travail ( QVT) et partage ses méthodes pour lui redonner sa véritable dimension !
Massimo Genuardi
Coordinateur du pôle ergonomie
« Il est donc essentiel que la QVT soit portée par l’ensemble des collaborateurs, et non uniquement par le patron. Celui-ci ne porte plus le sujet, il porte le collectif qui porte le sujet. Ce qui implique d’utiliser une autre ressource : l’intelligence collective. »
“La QVT doit oublier les paillettes. En la marketant à grands renforts de foodtrucks et de babyfoots, on s’est rapidement détourné de l’objectif. Sa valeur est ailleurs, non pas dans la quête du fun mais bien dans celle d’une meilleure expérience du travail.”
Massimo déplore ainsi les limites posées aujourd’hui à une approche aussi importante que la QVT. Pour lui, l’une des raisons de ce déroutage est d’ordre structurel : l’affaire est traitée de façon descendante et l’on oublie tout bonnement de questionner les principaux intéressés !
La priorité si l’on veut lui donner du sens, c’est d’intégrer les collaborateurs au processus, et de la bonne façon.
Le collectif sait ce qui est bien pour lui…
Si l’on adopte une vision de la QVT qui a véritablement trait à l’expérience quotidienne que l’on vit au travail, dans la pratique de son métier donc, la conclusion s’impose naturellement : l’amélioration de ses conditions doit répondre à des besoins réels.
Or ces besoins, par définition, ne peuvent émerger que de l’expérience et des valeurs de chacun. Les solutions, mathématiquement, ne peuvent alors apparaître qu’en mobilisant leurs retours d’expérience et leurs aspirations.
Pour Massimo, il est donc essentiel que la QVT soit portée par l’ensemble des collaborateurs, et non uniquement par le patron. Celui-ci ne porte plus le sujet, il porte le collectif qui porte le sujet Ce qui implique d’utiliser une autre ressource : l’intelligence collective.
… à condition de poser les bonnes questions !
Demandez à un collaborateur ce qui pourrait bien améliorer son quotidien et il vous répondra probablement, tout comme son directeur, qu’une machine Nespresso et une salle de sieste seraient les bienvenues. Or on sait d’expérience que ces paillettes n’améliorent pas in fine la qualité de vie au travail mais font plutôt office, si elles sont les seuls éléments de QVT, de vernis (bien vite écaillé, qui plus est).
Demandez à ce même collaborateur ce qui pour lui créerait une mauvaise qualité de vie, et les réponses seront toutes autres : trop de bruit, un mauvais ordinateur, des tensions dans l’équipe, des bonjours qui sautent…
C’est là tout l’intérêt du bon questionnement, avec par exemple des méthodes d’intelligence collective comme celle de “l’anti-problème” utilisée ici. En mettant en oeuvre des processus de facilitation qui permettront à ces besoins de s’exprimer, on met alors le doigt sur ce qui est réellement important en matière de relations sociales, d’environnement, de partage de l’information…
Analyser le travail afin d’enrichir le processus
Il est important de voir que le groupe n’agit pas seul. Il est nourri par ce que la compétence du consultant ergonome ou psychologue du travail apporte, c’est-à-dire l’éclairage sur le travail réel. Par sa capacité à objectiver l’activité et à rendre la matière travail, compréhensible et palpable, il vient alimenter la réflexion collective en la reliant à une réalité de terrain.
Les actions concrètes qui vont véritablement améliorer la qualité de vie et la performance découlent alors d’elles-mêmes, dans un cadre rendu propice à leur expression par le dirigeant.
“Mûrir” pour apprendre cette autonomie
Il y a un autre point clef pour Massimo, plus abstrait celui-ci. C’est qu’une amélioration de la QVT suppose que les collaborateurs en deviennent moteurs.
Une forme de maturation doit alors avoir lieu dans nos entreprises, que l’on peut aider à passer d’un modèle où l’employeur est en charge de ses employés, à la façon d’un père de famille, à la création d’un collectif de travail, où chacun porte le projet de l’entreprise et sa performance à tous les niveaux, QVT comprise.
Ce processus de responsabilisation, qui redonne au passage du potentiel à chacun, suppose l’apprentissage de nouveaux outils (comme la facilitation), qui vont permettre de s’approprier une ambition collective.
La QVT apparaît donc au final indissociable d’une réflexion sur la production, l’organisation de l’entreprise, et la performance. Autrement dit sur le travail, dans sa matière et sa concrétisation. Elle passe par une réappropriation de celui-ci, qui se repense alors collectivement et devient l’objet de tous. Un objet dont on se saisit en échangeant, en créant, en développant. A mille lieues des babyfoots !