“Mais que faites-vous donc avec tous ces champignons ?”

Série Esprit Critique : 10 façons de voir le travail autrement proposées par 10 collaborateurs. 

Marie-Pascale nous a parlé du brouillard qui entoure les métiers de nos collègues et d’une excellente raison de le dissiper…

Marie-Pascale GRENU
Consultante ergonome-Directrice

« Et quand chacun comprend la logique de l’autre, la situation se modifie : il devient possible de construire ensemble des solutions. De dessiner des alternatives collectivement. »

Cela arrive souvent. On croit savoir, mais on ne sait pas. Et ça peut tout changer. Surtout quand on croit savoir ce que font nos collègues de travail, qu’on pense connaître leur métier.

Rien de plus normal, puisqu’on les côtoie, on les voit bosser ! Mais le secret, c’est que bien souvent, on ne s’en fait en fait qu’une idée….

Et la plupart du temps, il suffit de combler ce petit espace de méconnaissance de l’autre pour trouver la réponse à tout un tas de problèmes dans l’entreprise qu’on n’aurait jamais imaginés être liés.

Plongée dans une champignonnière des Hauts-de-France, où entre deux cueillettes on a enfin pris le temps de se dire ce qu’on faisait de ses journées… et où toute l’entreprise s’en est trouvé changée, jusqu’au système de pauses !

Dans ces couloirs sombres et légèrement humides…

… les champignons sont au petit bonheur. Et ça pousse, et ça pousse. De quoi garnir pas mal d’assiettes un peu partout en France.  

Avant cela, il faudra passer entre les mains des cueilleuses, pour quitter sa petite étagère et rejoindre son bac (c’est ainsi, les champignons n’ont qu’un pied, pas assez pour se déplacer seuls). Puis il faudra être pris en charge par les assistants pour rejoindre la salle de conditionnement.

Entre les cueilleuses et les assistants cueilleurs, on se querelle parfois un peu

Il faut dire qu’on est nombreux dans ces couloirs, à se croiser, à aller et venir, à s’affairer à ses tâches. Sans parler des machines qui encombrent les lieux, des caisses vides et pleines qui se croisent…

Alors côté cueilleuses, on s’irrite que les assistants cueilleurs ne viennent pas assez vite récupérer les précieuses récoltes. Qu’ils mettent tout ce temps à rapporter la cagette qui permet de poursuivre sa tâche.

« Quand c’est plein, faut que ça avance ! ». Les cueilleurs eux, voient les ordres, l’impatience. Mais au fond, il n’en connaissent pas la raison. Et, peu contents de se sentir sommés au doigt et à l’oeil, ils ne restent pas toujours bien longtemps au poste.

Turnover, insatisfactions, tensions : la direction a pris la décision de faire quelque chose

Ici, on se soucie des conditions de travail. L’an dernier on avait déjà brillamment résolu le problème des champignons égarés, causeurs de malheureuses glissades !

Avec l’équipe d’handiExpeRh, on choisit donc de parler de ce qui compte.

Ce qui compte ? Le travail.

En créant des espaces de discussion, il devient possible de parler des métiers de chacun. On analyse ce qui se passe, on parle des réalités de l’activité, on les rend visibles pour s’extraire peu à peu des ressentis personnels et des perceptions. 

En parlant “travail”, les yeux s’ouvrent

Alors qu’on échange, qu’on rebondit et qu’on prend de la hauteur, on voit s’ouvrir les champs des possibles et apparaître des solutions.

Dans l’ombre de la champignonnière, on se met soudain à y voir plus net.

Et quand chacun comprend la logique de l’autre, la situation se modifie : il devient possible de construire ensemble des solutions. De dessiner des alternatives collectivement.

Plusieurs semaines après ces ateliers

Les champignons poussent toujours dans le noir, mais les esprits eux n’en broient plus. Les flux de cueillettes ont été modifiés, le parcours des cueilleuses aussi, les pauses sont réparties différemment afin que les assistants puissent remplir leur tâche sur un terrain libre.

Le groupe a quitté la tension pour découvrir le pouvoir des propositions. Quand on sait que la plupart des cueilleurs et des cueilleuses sont mari et femme, on se dit que les effets positifs du changement pourront dépasser de loin de cadre du travail !

Marie-Pascale Grenu est directrice d’’handiexpeRH, mais c’est son activité d’ergonome consultante qui l’a menée à ces réflexions. Avec une vision exigeante et chaleureuse, elle défend au travers du cabinet l’idée que l’on peut travailler autrement, en passant par des changements concrets.